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||| Le Matin d'Anvers : III. L’écueil de la guerre (1914-1918) |||

Le Matin d'Anvers

Table des matières


III.1. Le Matin face à la première guerre mondiale

Confrontés à l’étouffant et dangereux climat qui précède le déclenchement de la première grande conflagration mondiale, Camille de Cauwer et l’ensemble de l’équipe du Matin continuent malgré tout d’espérer. Leur humanisme, leur lucidité et leur esprit déjà fondamentalement pacifiste les soutiennent dans cette voie.

Mais la guerre n’attend pas : elle éclate dans toute sa violence et son injustice. Au début du mois d’août 1914, la ville d’Anvers est déclarée en état de siège. Et, dès ce moment, les moyens matériels et autres fournitures nécessaires à la publication d’un quotidien se raréfient inéluctablement. Pourtant, la rédaction va mobiliser toute son énergie afin d’assurer à la population une information régulière et la plus complète possible. Dans ce but, les journalistes ont recours à la composition journalière de deux à trois éditions spéciales. Des éditions certes assez sommaires (quatre pages au maximum) mais qui se révèlent à l’analyse beaucoup plus expressives que l’habituelle physionomie sévère du journal. On peut aisément comprendre ce changement d’attitude : la conjoncture mouvementée qui enflamme et inquiète alors les anversois n’incite point à l’austérité du discours.

Camille de Cauwer, ancien officier et patriote jusqu’au bout des ongles, a fait le serment que sa gazette ne paraîtrait pas sous la botte et la censure germanique. Elle est cependant imprimée jusqu’à l’ultime moment. Dès lors, le jour du bombardement de la métropole (le 28 septembre 1914), de Cauwer ferme les portes du Matin. Les troupes allemandes se trouvent effectivement aux portes d’Anvers.

Ainsi, pour la première fois depuis sa fondation, le jeune quotidien francophone connaît, suite à de dramatiques circonstances extérieures, un coup d’arrêt dans sa progression. Tout le personnel (direction, rédaction, administration et main-d’oeuvre ouvrière) est rapidement dispersé...

Pour échapper à l’ennemi, Camille de Cauwer et plusieurs de ses collaborateurs s’exilent à l’étranger, en Hollande, en France ou en Grande-Bretagne. Dans le courant de l’année 1915, une nouvelle alarmante arrive d’ailleurs par voie détournée à Londres, où l’ex-officier a trouvé provisoirement refuge. Les occupants envisagent en effet de détourner les installations et les équipements du Matin à leur compte afin d’en tirer une de ces feuilles défaitistes dont ils ont le secret. Un véritable "conseil de guerre" regroupant Camille de Cauwer, François Reynders et Edouard Heinzmann-Savino est alors mis sur pied. On y charge Reynders, le fondé de pouvoir, de se rendre à Anvers afin d’empêcher un dénouement positif des desseins allemands.

C’est pourquoi, à son retour dans la métropole, François Reynders, appuyé par son ami François Lenaerts, chef de la publicité, "enlève les principaux engrenages de la grande rotative, les collections et nombre de pièces mobiles. Tout ce matériel, qui représente plus de vingt mille kilos, est transporté peu à peu à Borgerhout, à la barbe des allemands, dans une modeste charrette à bras et avec le concours de quelques ouvriers dévoués et la complicité d’un agent de police, grâce auquel les voyages nécessaires de ce véhicule ont ressemblé à autant de saisies".

Grâce au dévouement de quelques hommes, la mémoire du Matin n’est donc pas à tout jamais entachée d’un quelconque acte, même involontaire, de collaboration avec l’antagoniste.

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III.2. Refondation

Peu après l’armistice (le 18 novembre 1918), des anciens de la Vieille Bourse (Reynders, Lenaerts, René Van der Schoepen, Egide Van der Geten) et un petit nouveau, Désiré Marchand, prennent l’initiative de faire reparaître le quotidien préféré des francophones anversois. Ses rédacteurs, "après un silence volontaire de plus de quatre années, reprennent la plume, les mains nettes, la conscience pure, renaissant au soleil étincelant de la liberté". Le Matin ne s’est pas compromis avec l’occupant, cela reste l’essentiel pour tous.

Usant de moyens de fortune, ces nouveaux bâtisseurs reconstruisent solidement la publication malgré de grosses difficultés. Le réapprovisionnement en encre ou en papier n’est en effet pas encore garanti. De fait, en proie à la pénurie des matières premières, le journal se voit d’abord limité à un seul feuillet.

Par ailleurs, momentanément incapables d’assurer un service d’abonnement cadencé, les responsables intérimaires sont obligés de limiter leur diligence à la vente au numéro, durant quelques semaines (en fait jusqu’au 8 décembre). De plus, le prix à l’unité, fixé à cinq centimes à l’origine, va doubler face aux obstacles matériels qui se dressent sur la route du canard libéral anversois. Mais toutes ces contrariétés n’empêchent pas Le Matin de regagner sans trop d’efforts la sympathie de ses lecteurs.

Pourtant, les temps ont changé. Camille de Cauwer est revenu de son expatriation un peu désabusé de la folie des hommes. Forgé à l’image de "ces libéraux qui ne peuvent concevoir qu’une atteinte quelconque soit portée à leurs libertés", le patron du Matin décide énergiquement de reprendre le travail interrompu. Dans l’antique maison de la Vieille Bourse, il retrouve certains visages familiers et d’autres, plus frais mais déjà marqués par les horreurs de la guerre et les querelles consécutives à la restauration d’une paix durable.

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