Signalons dabord que, en ce qui concerne les cadres du Matin, la mort tragique de Félix de Roy sous loccupation précipite, au lendemain de la guerre, la nomination de Willy Koninckx au poste de rédacteur en chef. Il occupe cette fonction quelques années avant de céder en 1949 sa place à Georges Desguin, jusqualors secrétaire-adjoint de la rédaction. Koninckx comme Desguin vont perpétuer cet esprit de liberté individuelle sans cesse défendu par Le Matin depuis sa fondation.
Cependant, dans lintervalle, un pilier de la Vieille Bourse seffondre à nouveau. Paul de Cauwer, consciencieux héritier de son père aux commandes du journal, décède en effet en 1949. Le comble, cest quen mars 1949, juste avant sa mort, le capital social du Matin avait été réévalué à la hausse pour passer de cinq à dix millions de francs. Car le journal avait enregistré une plus-value de 5.584.056 francs sur ses actifs immobilisés. Et Paul de Cauwer avait par ailleurs de nouveau grappillé quelques actions pour porter son total personnel à 710 parts (toujours sur deux mille actions). Son décès intervient donc de façon malheureuse, à un moment faste pour lentreprise et pour lui-même.
Toutefois, la tradition familiale du canard anversois ne trouve pas encore un terme avec cette disparition puisque Gabrielle de Cauwer, la femme du défunt, succède alors à son mari dans le siège de directeur. Il sensuit également une redistribution des actions de la S.A.B.E.D.. Gabrielle de Cauwer (née Baelde) en conserve 460 parts, tout comme Simone de Cauwer. Robert Farin garde ses 50 parts. Parmi les actionnaires, on remarque une nouvelle tête : Germaine Baelde, soeur de Gabrielle et épouse contractuellement séparée de biens de Georges Desguin, obtient 50 parts de la société. Le conseil dadministration est composé de Gabrielle de Cauwer (présidente), de Robert Farin et de sa femme Simone. Le secrétaire du conseil se nomme Raymond Van Wesenbeeck, également secrétaire général du Matin.
Cest en 1952 que trépasse à son tour la veuve de Paul de Cauwer. Ce fatal dénouement confère de facto la direction et la présidence du conseil dadministration à Georges Desguin qui a récupéré les actions de Gabrielle de Cauwer. Desguin, désormais porteur dune double casquette, restera toujours atteint par le virus du journalisme : il prolongera donc parfaitement la légende de ses prédécesseurs jusquen 1970, au crépuscule du Matin.
Sur le plan de la stratégie économique, Le Matin entend poursuivre la construction de son identité nationale déjà entamée dans les années trente, à un moment où la conjoncture le permettait encore. Dès la Libération, le journal cher aux francophones anversois dinclination libérale se proclame ainsi symboliquement "quotidien dunion nationale", sans renier bien sûr ses prédispositions politiques. Le choix de ce nouveau sous-titre, au demeurant grandiloquent, engendre pourtant une impression ambivalente. On peut y dénicher lexpression dune réelle volonté métaphorique daccalmie politique et linguistique. On peut aussi y trouver la manifestation dun opportunisme commercial, car la devise "lUnion fait la Force" et les autres valeurs patriotiques à la mode font vendre. Elles sont en ce temps-là fort prisées dune population meurtrie par les atrocités du conflit.
Toutefois, cette ambition manifestée par Le Matin de se transformer en un publication denvergure nationale nest plus viable, ni même accessible ! En effet, on constate à cette époque quun nombre décroissant de médias écrits forment effectivement lopinion publique. Or, lévolution linguistique fait que les libéraux doctrinaires francophones dAnvers nont plus beaucoup voix au chapitre, ce qui entraîne une perte dinfluence politique du Matin. Lamincissement de son lectorat et de son importance publicitaire constituent, dans ce contexte, dautres menaces pour sa représentativité.
Dautant que, de plus en plus, on se rend compte que cest en réalité le public qui modèle son propre journal. Et, dans le cas du quotidien anversois de langue française, les lecteurs recherchent avant tout des nouvelles locales, ou du moins des informations susceptibles de leur procurer un certain service. Ainsi, les programmes de cinéma, la liste des médecins et pharmacies de garde, les chroniques théâtrales, les couvertures dexpositions et de concerts ou encore les petites annonces sont les rubriques les plus prisées. De ce fait, Le Matin (qui ne paraît plus le dimanche depuis sa renaissance lors de la libération dAnvers) est amené à baisser le niveau de ses prétentions. Avec, pour résultat pratique, une diminution lente mais perceptible de la surface rédactionnelle réservée aux articles de fond, aux correspondances étrangères et aux informations économiques ou de politique intérieure. Les communications locales ou de service, elles, conservent sans problème leur rang.
Par la force des choses, et malgré son apparence devenue au fil des années résolument contemporaine et visuelle, Le Matin aborde une nouvelle fonction : celle de "journal dappoint". Il est désormais peu à peu réduit à un rôle complémentaire par rapport à dautres organes médiatiques comme la télévision ou la radio et par rapport aux feuilles (surtout bruxelloises) daudience nationale, qui négligent très souvent linformation régionale.
Mais cette mission toute neuve qui reste sans doute importante en soi ne justifie plus pour autant la présence du Matin sur le marché de la presse. Il va dailleurs bientôt lapprendre à ses dépens.
En Flandre ne subsistent après la guerre que deux titres libéraux francophones, Le Matin dAnvers et La Flandre Libérale de Gand. Mais lévolution de la presse fixe demblée une nouvelle règle de survie qui "condamne désormais impitoyablement les journaux qui ne disposent pas de lappui dun groupe financièrement très solide ou dune position privilégiée sur le marché publicitaire régional". En effet, le développement non négligeable du secteur de linformation entraîne, à cette époque, la multiplication des agences de presse et laccélération sensible des communications. Les quotidiens puissants sont de plus en plus volumineux, suivant le rythme des exigences des lecteurs. Pour répondre à la concurrence de la radio et de la télévision, les directeurs des grands médias écrits sont souvent forcés de gonfler artificiellement leurs produits par linsertion de pages spécialisées. Les gazettes prennent de plus en plus des allures de magazines. Toutefois, cette évolution a un prix puisque les frais de fabrication augmentent en conséquence de façon démentielle, au sein dune conjoncture économique qui reste assez houleuse et difficile. Quant aux salaires du personnel technique et rédactionnel, ils suivent de même une courbe croissante. Le maintien dun journal qui prétende vivre exclusivement de ses recettes de vente et de publicité, à labri de toute intrusion financière ou syndicale, requiert de fait un lectorat beaucoup plus large quautrefois. On estime que la viabilité en toute indépendance dune publication ne réclame pas moins de cinquante mille fidèles. Aussi tout se ramène-t-il finalement à une problématique de diffusion suffisante du média.
Le Matin, lui, voit malheureusement son tirage diminuer : de trente cinq mille exemplaires déclarés par léditeur en 1949, on passe à une estimation qui se situe entre vingt et vingt-cinq mille exemplaires en 1958, puis aux environs de vingt mille exemplaires en 1962. Dans ce contexte, et face à ce déficit de lecteurs et de rentrées publicitaires, le salut dun quotidien daudience surtout régionale comme Le Matin réside donc dans lappui dun groupe financier de poids.
Dès 1956, Le Matin en tire ses conclusions : la tradition doit seffacer devant la réalité économique. Le quotidien francophone anversois est pris en tutelle par le groupe de presse du comte de Launoit (qui détient dores-et-déjà lensemble La Meuse - La Lanterne). Celui-ci rachète pour ce faire 90 % des parts de la S.A.B.E.D. (Société Anonyme Belge dEdition et de Diffusion), lassociation éditrice du Matin sise, comme la rédaction, au numéro 29 de la Vieille Bourse.
Par ailleurs, suite à cette prise de contrôle extérieure, on constate que certains des anciens propriétaires (Robert Farin et sa femme, Simone de Cauwer) démissionnent de leurs charges dadministrateurs de la S.A.B.E.D.. Ce qui nempêche cependant pas le journal francophone le plus lu à Anvers de sauvegarder son "étiquette libérale".
Pourtant, une page de lhistoire du Matin est dorénavant tournée. Car le processus dinévitable concentration a débuté : la menace daffaiblissement voire détouffement de la presse provinciale dopinion se précise...
On la observé, la concentration est devenue la norme en matière de santé économique. Et il sagit dun fait qui concerne particulièrement les entreprises de presse de petite et moyenne ampleur.
Pour Le Matin et La Flandre Libérale, derniers représentants de la presse libérale francophone en Flandre, le défi est dautant plus lourd à relever que leur public naturel est de plus en plus restreint, en raison de lévolution politique de la Belgique. Le tirage du Matin diminue en effet sensiblement, comme celui de La Flandre Libérale (vingt mille exemplaires déclarés par léditeur en 1949, une estimation de moins de dix mille en 1962). Afin de tenter de ralentir les énormes pertes encourues par les deux journaux, il existe désormais une seule et unique voie : celle du rapprochement. Un accord technique et rédactionnel est dès lors conclu, sans remords ni regrets, à la date du premier janvier 1960. Par la même occasion, la feuille libérale gantoise intègre également le groupe de presse du comte de Launoit, se ménageant par ce biais un nouveau poids financier. Dautre part, suite à cette alliance indispensable, La Flandre Libérale va déménager en partie. Elle conserve son siège et sa rédaction à Gand mais lopération dimpression se déroule maintenant à Anvers sur les presses de son confrère libéral. Enfin, en ce qui concerne la substance des deux quotidiens, on remarque que les contenus tendent à une quasi similitude que seules les chroniques locales viennent démentir.
Cette union équivaut en tout cas à un vrai mariage de raison entre deux gazettes aux opinions et aux aspirations très proches. Leur idéologie profondément libérale nest, dans ce cadre-là, pas encore défigurée. Mais le moment de laccumulation paradoxale est imminent. Au cours de lannée 1965, une démarche extrême est entreprise dans le but évident de répondre avec force et vigueur à lexiguïté du marché des quotidiens en Flandre.
Les deux journaux libéraux fusionnent ainsi au sein dune unique société éditrice, la S.A. Sobeledip (Société belge dédition, de diffusion et de publicité), en compagnie du seul autre survivant de la presse quotidienne francophone flandrienne, La Métropole. Or, cette publication, foncièrement catholique à la source, était la rivale du Matin depuis sa création !
Dans les grandes lignes, les trois éditions ne font désormais plus quune en ce qui concerne linformation "brute", à la notable exception de léditorial et des rubriques régionales.
Cet incroyable retournement de situation au profil assez paradoxal, il faut en convenir, survient cependant à un instant propice à sa confection. Car, si la concurrence âpre et courtoise entre Le Matin et La Métropole a longtemps représenté une réalité, elle nest plus vraiment dactualité à lheure de la fondation de Sobeledip. Pour ces deux journaux, il est devenu impératif dagréger leurs efforts afin de préserver lessentiel, leur existence. Car une entreprise de presse se révèle, sans cesse davantage, une industrie réclamant de très puissants moyens financiers. Il napparaît ainsi pas surprenant que "des organes de presse édités dans une langue qui est celle dune minorité aient, avant dautres, compris lurgence et la nécessité dune certaine unité daction en vue de la réalisation dun certain nombre dobjectifs identiques". Dautant que le tempérament catholique de La Métropole sest fortement atténué. En effet, le journal lui-même ne se présente plus, à partir de 1960, que sous la seule étiquette de "conservateur". On doit en conséquence relativiser le concept dalliance contre-nature que lon serait, de prime abord, tenté dutiliser pour qualifier cette connexité entre deux quotidiens libéraux et un quotidien catholique.
De toute façon, Le Matin dAnvers et La Flandre Libérale de Gand démontrent surtout par leur association avec La Métropole que "pour la presse francophone de Flandre, la communauté de destin sur le plan linguistique permet de dépasser les appartenances ou les colorations politiques". La barrière dorigine politique existant entre libéralisme et catholicisme est clairement dépassée, à la fois par laspect linguistique du problème et par la recherche dune viabilité économique au sein dune conjoncture difficile.
Pour être précis, signalons que Sobeledip, cette nouvelle entité hétéroclite qui brise lunité politique initiale découlant du rapprochement entre Le Matin et La Flandre Libérale, se voit instituée le deux septembre 1965. Elle regroupe les Nouvelles Presses anversoises (la société éditrice de La Métropole) à concurrence de neuf cent nonante-sept actions, la S.A.B.E.D. à concurrence de neuf cent nonante-huit actions, ladministrateur de La Métropole Jules Velge pour une action, son directeur le baron Michel Van der Straeten Waillet et un des actionnaires, Jean Ackermans, pour une action également chacun et, finalement, Georges Desguin et son épouse à concurrence de deux actions. On distingue alors un savant partage dinfluences entre le groupe Velge et le groupe de Launoit. Jules Velge, Jean Ackermans, Paul Mortelmans et le baron Jean de Waha Baronville, directeur de La Lanterne, sont nommés administrateurs. Et la codirection générale de Sobeledip est confiée, comme la responsabilité des rédactions anversoises, au superactif Georges Desguin, qui cumule déjà les fonctions de directeur et de rédacteur en chef du Matin.
En outre, la création de Sobeledip pousse Le Matin à déserter son siège légendaire de la Vieille Bourse pour aller sinstaller dans les locaux de La Métropole, au numéro 34 du Lombaardvest.
Par ailleurs, durant le mois de septembre 1965, limprimerie du quotidien fondé par Camille de Cauwer est vendue à De Vlijt. Cette transaction implique immédiatement un deuxième paradoxe frappant puisque De Vlijt édite avant tout la Gazet van Antwerpen, qui constitue un des foyers les plus ardents du flamingantisme obtus. Et les trois publications de Sobeledip, attachées depuis toujours à la défense de la minorité francophone et du bilinguisme en Flandre, se retrouvent donc imprimées jusquen 1969 au numéro 46 de la Nationalestraat, dans l"antre du flamingantisme" ! Mais lentrée en jeu de Rossel et Cie va néanmoins encore bouleverser la donne à ce niveau.
Évolution du pourcentage de purs francophones à Anvers :
En 1846 : 1,73 %
En 1910 : 3,42 %
En 1920 : 3,65 %
En 1930 : 4,08 %
En 1947 : 2,98 %
En 1970 : environ 3 %
À ce point de lhistoire du Matin (désormais étroitement liée à celles de La Flandre Libérale et de La Métropole), il est nécessaire de faire aussi le point sur lattitude de son public, les francophones dAnvers. Ceux-ci font face à la flamandisation qui se montre irrésistible depuis la mise en application des fameuses lois linguistiques des années trente.
En effet, les couches de la population dexpression française de la métropole ne seront plus estimées, en 1970, quà environ 3 % de la population totale de la ville. Les francophones se rendent donc de plus en plus compte que, sils veulent garder un rôle actif dans la prestigieuse cité du diamant, ils doivent absolument connaître le néerlandais. Pour ces bourgeois, la flamandisation représente avant tout une question dopportunisme, de la même manière que la francisation la été autrefois. Néanmoins, et la nuance est de taille, ces fransquillons affaiblis et presque au bout du rouleau ne renoncent pas pour autant à leur qualité de francophones. Et, ceci, même si leurs enfants sont par la force des choses (la loi scolaire de 1932) obligés de fréquenter les cours des écoles flamandes. Leur cercle familial et leurs relations privées constituent à cet effet les ultimes espaces sociaux où se cultive toujours la langue française. Une langue française qui leur est transmise depuis des générations et qui a longtemps été adorée en tant que vecteur de privilèges multiples.
La raison de cet attachement qui perdure envers et contre tout apparaît simple, lorsque lon conçoit que les mots renferment en pratique bien davantage que de simples sonorités. Car, derrière leur apparence conventionnelle, se cache toute une philosophie de la vie formée de traditions, dun passé, daspirations ou dun certain état de prospérité matérielle. Changer de langue correspond à la renonciation dune identité ancestrale au profit dune autre qui nest pas toujours considérée comme sienne, voire qualifiée dinférieure. Parce que le langage, expression de la pensée, semble étroitement relié à lesprit, quil peut véritablement façonner. Mais cette situation reste mouvante puisque lobligation de parler le néerlandais pour conserver son rang à Anvers devient toujours plus criante. Le temps de la barrière linguistique constituant aussi un fossé social est désormais révolu. Le dialogue sesquisse entre les deux communautés anversoises, mais en flamand !
Malgré tout, Le Matin va régulièrement combattre une certaine idée reçue des flamingants au sujet des francophones de Flandre. Une idée correspondant à "un mythe haineux qui peut se résumer en deux mots : la bourgeoisie francophone a trahi et renié par mépris le peuple flamand en refusant la langue de celui-ci, et en choisissant la langue française". Certains flamands, comme Dirk Wilmars, nhésitent dailleurs pas à fustiger le snobisme des prétentions affichées par les francophones, soucieux de sassurer un statut spécial, au cours du processus de flamandisation. Pour eux, les fransquillons de Flandre ne remplissent pas les conditions voulues pour être en mesure de revendiquer les droits et la protection accordés à une minorité nationale. En effet, ils ne composent pas "un groupe ethnique homogène avec toute une hiérarchie sociale allant du simple ouvrier illettré aux intellectuels occupant des postes-clés".
Pourtant Le Matin va rester sans relâche sur ses positions, rappelant à chaque fois que loccasion sen présente sa propre vérité historique. A savoir celle dune Flandre au caractère bilingue séculaire et ainsi riche dune certaine complexité, véritable mosaïque profitable aux niveaux intellectuels et artistiques. Une Flandre où lunité de la langue flamande na pas toujours constitué une réalité et où les circonstances sociales ont dès lors fait de la langue française la langue maternelle des bourgeois.
Le quotidien anversois va aussi sempiternellement stigmatiser lunilinguisme régional prôné par un mouvement flamand. Celui-là même qui, "avec une rigueur et une persévérance auxquelles il a toujours été rendu justice, a changé la face des choses et, nanti de la force des masses, a exclu toute possibilité de choix pour les minorités".
On le voit, Le Matin, un des derniers porte-parole de la minorité francophone anversoise, accepte donc sans trop de difficultés le renouveau culturel et social flamand. Il ne réclame de fait certes pas un retour à la barrière linguistique et sociale, mais plutôt une liberté individuelle de préférence sur le plan linguistique dans les provinces flamandes. Une liberté déjà fortement mise à mal et achevée, en 1963, par la suppression des classes de transmutation, ultimes aménagements linguistiques accordés, jusqualors, aux petits francophones de Flandre.
Cette phase décisive de lhistoire du Matin qui sétend de limmédiat après-guerre au milieu des années soixante apparaît, à lanalyse, comme une période révélatrice quant à son funeste avenir.
Parce que, dune part, la gazette libérale dAnvers se voit vite déçue dans ses ambitions nationales. Les mobiles en sont multiples. Primo, les assises financières du Matin se révèlent trop instables en raison du manque à gagner publicitaire et de la baisse du lectorat. Secundo, il y a trop de concurrence entre les organes de presse à ce niveau. Tertio, le public lui-même a choisi une voie minimaliste pour son quotidien, souhaitant en effet quil conserve son envergure provinciale et lenchaînant en conséquence à un rôle de journal dappoint à lavenir incertain.
Parce que, dautre part, la feuille dévouée à la défense de la minorité francophone ressent, au cours de ce bref espace temporel, les premiers effets concrets du processus de flamandisation. Un processus qui lui enlève ses fidèles un à un et, beaucoup plus grave, empêche aussi un renouvellement suffisant du lectorat. Dès lors, atteint dans sa chair par cette douloureuse ponction, sans apport externe de lecteurs potentiels, Le Matin assiste, impuissant, à laffaiblissement de ses forces vives. Entre-temps, le groupe de Launoit a, certes, accouru à son chevet. Mais le mal est tenace, car il est ancré trop profondément. Afin de redonner des couleurs à la publication fondée par Camille de Cauwer, un seul traitement simpose, puisque lunion est censée faire la force. Et ce traitement, qui a souvent fait ses preuves, consiste à rassembler les malades qui souffrent de symptômes similaires afin de mettre en pratique une certaine forme de thérapie de groupe. Mais cette thérapeutique passe par une concentration des énergies positives issues de ces patients engagés dans la même galère.
Aussi, Le Matin, La Flandre Libérale et La Métropole sinvestissent-ils tous les trois à fond dans cette alliance bizarre réalisée à travers Sobeledip, dans lespoir que la concentration se révélera, à terme, un remède efficace contre la flamandisation...